Confrontation au sommet

Le fond de l'air était frais, et les premiers rayons de soleil du matin peinaient à traverser la dense brume qui entourait le Pic de la Sérénité. Matt observait le ciel gris, perché sur le toit du bâtiment principal, tout en faisant danser quelques légères ondes de chi entre ses paumes, pensif. En contrebas, on pouvait déjà entendre les bruits des poings qui s'abattaient sauvagement sur les mannequins d'entraînement, ainsi que les râles guerriers qui raisonnaient dans ce silence presque surnaturel. Tout à coup, une légère brise se leva, et fit frémir le feuillage des quelques arbres recouverts de neige qui bordaient la haute montagne. La brise s'engouffra sous le heaume de Matt, et lorsqu'elle parvint à ses oreilles, elle sembla lui chuchoter quelque chose... Malheureusement, cela était incompréhensible. Cependant, le jeune homme aurait juré avoir entendu la voix d'Enelya. Il se releva et tendit l'oreille pendant de longues secondes, en vain.
- C'est stupide. Grommela-t-il.
Suite à quoi, il sauta de son perchoir, traversa la légère couche de brume et atterrit agilement au sol.
- Belle prestation, Matt Carter. Dit une voix qui lui était familière.
- Oh, bonjour Maître Tsang. Répondit-il en s'inclinant.
L'intéressé lui rendit son bonjour en souriant chaleureusement, puis reprit la discussion.
- Tu m'as l'air contrarié, Matt. Y'aurait-il quelque chose dont tu voudrais me parler ?
Le jeune homme hésita un instant, tout en se remémorant les derniers événements. La résurrection d'Erwan, les retrouvailles avec Ryleh qu'il croyait mort depuis cinq années, la pression qu'il se mettait constamment pour ne jamais faillir, son amour pour Enelya...
Il balaya l'air de sa main.
- Rien d'important, Maître.
- En es-tu certain ? Dit-il, en toisant le jeune homme d'un regard de jade perçant.
Matt hésita un moment, puis hocha la tête.
- Oui, sûr et certain. Lâcha-t-il, un air faussement serein dans la voix.
Maître Tsang haussa un sourcil, le regard maintenant interrogateur, puis se ravisa, comprenant qu'il n'avait pas foncièrement envie d'en parler.
- Fort bien. Dit-il. Eh bien, Matt, je te laisse à tes occupations. J'imagine que tu as une journée assez chargée.
Il hocha de nouveau la tête.
- Eh bien, je comptais m'entraîner aujourd'hui. Avoua-t-il.
- Tu t'es déjà beaucoup entraîné hier, Matt. Lui rappela Maître Tsang.
- Je sais, mais ce n'est pas suffisant.
- Ne te pousse pas à bout non plus. Tu sais, chaque chose doit être faite en son temps, et avec modération. Qui plus est, la vie doit être savourée, et non dévorée. Comprends-tu ?
- Oui, Maître. Répondit-il, sans réellement trop d'attention.
- Tu ne m'as pas l'air convaincu, cependant nous ferons avec. Ah ! La jeunesse. Source d'impétuosité, de fougue et de multiples passions. Mais, souviens-toi : La tempête n'en est que plus surprenante lorsqu'elle n'arrive que dans de rares occasions. Bien ! Sur ce, je vais te laisser, Matt. Et ne t'en fais pas, je suis certain que tu trouveras les mots pour lui dire ce que tu as sur le coeur.
Il sourit, puis fit un clin d'oeil au jeune homme, avant de retourner en direction du bâtiment principal. Décidémment, Maître Tsang était vraiment plein de surprises.

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Cela faisait déjà un bon moment que Matt marchait en direction du haut de la montagne, chargé d'un sac contenant son déjeuner, du thé bien chaud ainsi que des habits d'hiver en rab au cas où le froid se ferait plus intense. Le jeune homme visait le plus haut plateau du pic, plateau sur lequel il avait décidé d'installer son petit coin d'entraînement personnel. Monter cette pente vertigineuse tous les matins était, certes, éprouvant, mais à force, il en avait pris l'habitude. Pour lui, cela n'était plus qu'un exercice de routine. Une bonne heure passa avant que Matt ne mette enfin le pied sur ledit plateau, et une fois cela fait, il s'accorda tout de même quelques minutes de répit avant d'entamer son entraînement quotidien. Durant sa pause, le jeune homme se servit un verre de thé afin de se réchauffer, et enfila une cape tissée dans les poils les plus laineux des plus gros yacks de Kun Lai. Puis, soudain, il leva les yeux en direction du ciel couvert de nuages, et se perdit dans ses pensées. Suis-je bien sur la bonne voie ? Se disait-il. Ferai-je les bons choix ? Et dans le cas contraire, qu'adviendra-t-il de moi et de mes proches ? Pendant qu'il contemplait le ciel nuageux en ayant l'esprit encore plus embrumé que celui-ci, un oiseau d'une couleur argentée s'approcha de lui, et se posa sur son épaule. Le jeune homme sourit.
- Eh bien, bonjour toi.
L'oiseau, évidemment, ne répondit point, mais toisa Matt pendant de longues secondes, avant de s'envoler en virevoltant nonchalamment vers le soleil blanc. Matt resta planté là, à le regarder, avant de se décider.
- Mais oui... C'est ça !
Il se leva, empoigna Tigre Hurlant, et avança au centre du plateau. Une fois placé, il fixa une dernière fois le ciel, puis ferma les yeux, et fit le vide dans son esprit. Je dois me libérer de mes mœurs... Je dois être tel l'oiseau dans le vent. Il se concentra, serra ses mains autour de son arme, puis se concentra davantage, encore et encore, avant de rouvrir les yeux d'un seul coup. Là, il planta Tigre Hurlant dans le sol, et sauta avec dextérité sur le pommeau. Une fois perché sur son arme, il pris une position d'équilibre parfaite, et forma un espace réduit entre ses paumes au niveau de son buste.

Après de longues secondes, le jeune homme expira lentement. Entre ses mains se formait une minuscule orbe de chi, qui grossissait à vue d’œil. L'orbe devint de plus en plus importante, jusqu'à faire la taille de la tête du jeune homme. Le silence régnait en maître, et seule la brise inconsciente perturbait ce calme olympien. Quand tout à coup, Matt sauta de Tigre Hurlant pour se retrouver à cinq bons mètres de celle-ci, et balança son orbe chi dans les cieux après l'avoir faite tournoyer autour de lui même à l'aide de mouvements agiles. L'orbe fusait à travers les airs, et pendant ce temps-là, Matt retomba sur le pommeau de son arme et y reprit sa position d'origine. Soudain, une énorme explosion retentit, et une puissante onde de choc céleste balaya la totalité des nuages qui trônait de tout leur orgueil au dessus du Pic de la Sérénité, pour laisser place à un lever de soleil éclatant aux lueurs rosées.
- J'y suis. Lâcha Matt, satisfait.
En contrebas, on pouvait voir la totalité du monastère, qui rayonnait de couleurs vives bordées par les pétales de fleurs, eux-mêmes transportés par la brise obstinée des matins ambitieux. Matt descendit de son arme, la récupéra et retourna s'installer auprès de ses vivres. Il se resservit un verre de thé, et s'octroya un peu de temps pour contempler cette vue magnifique.